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Cravate - Ce qui fait recette

Temps de lecture : 15 minutes

Note : la photo d’illustration a été réalisée par Jamie Ferguson pour Trunkclothiers

Cravate - En soie, en laine ou en coton...tout, mais vraiment tout ce qu'il faut savoir à son sujet

C’est avec cette idée en tête que l’on a commencé à rédiger cet article fleuve sur la cravate. On espère que vous y trouverez quelques pépites lues nul part ailleurs. C’est en tout cas ce que l’on aura essayé de faire, apporter un éclairage plus complet et quelque peu différent des publications actuelles de la toile.

I. HISTOIRE

Un préservatif contre le rhume, car avant de devenir la cravate que l’on connait, celle-ci fut à l’origine un foulard noué autour du cou.

Louis de Bourbon, amiral de France, XVIIè siècle

D’ailleurs, si mettre un foulard nouer de cette façon peut aujourd’hui être considéré comme Dandy, c’était visiblement déjà le cas durant l’Antiquité.
Citons Emile Marco de Saint Hilaire :
S'il faut en croire certains historien de l'antiquité, “C'était quelquefois un ton et un prétexte que prenaient les jeunes gens efféminés pour se rendre intéressant ou pour se dérober à des devoirs rigoureux qui alarmaient leur mollesse. "
Pour la petite histoire, cet extrait est issu du traité, l’Art de Mettre sa Cravate. L’un des tout premiers succès international en matière de livre. Il fût traduit en plusieurs langues et réédité 11 fois. Ce livre a longtemps été attribué à Balzac car il provient de sa propre imprimerie hérité de ses parents. En réalité ce traité fût principalement écrit par un ami de Balzac, Emile Marco de Saint Hilaire.

Si vous vous demandez à quoi peut ressembler un dandy en 2015, jetez un œil à ce livre

Pendant l’antiquité il n’est pas rare que les hommes portent un foulard autour du cou. Principalement les guerriers, et ce pour une raison assez simple : ils se protègent du froid lorsqu’ils sont envoyés sous des climats peu cléments. Elle servait également à réchauffer le cou des orateurs romains.
Hormis pendant l’antiquité, le cou des hommes fût rarement recouvert. Il fût longtemps laissé à nu. De l’antiquité jusqu’au XVIème siècle, periode où l’on voit l’apparition de fraises et autres types de cols montants à dentelles.
Le vrai tournant à lieu en 1660 lorsque des mercenaires croates sont recrutés pour combattre en Europe lors de la guerre de Trente Ans. Ces soldats avaient la particularité de porter un petit foulard autour du cou. Ce petit foulard pris par la suite le nom de croate…puis cravate. Le régiment bâti sur les reste de celui des croates, pris d’ailleurs le nom de Royal-Cravates. Cette mode gagnera bientôt toute la cours du Roi, et c’est bientôt des centaines de milliers d’hommes qui revêtent la cravate tous les matins.
Certains historiens affirment cependant que le mot cravate est bien antérieur à la guerre de Trente Ans. Le mot cravata aurait déjà été utilisé avant le 1600 en Italie.

La cravate moderne que l’on connaît est dérivée de ce qu’on appelait la régate. Née dans les années 1850, elle répond à plusieurs impératifs de la révolution industrielle qui se met en place. Les hommes ont besoin d’une cravate pratique, facile à enfiler et qui soit confortable. En parallèle de ces nouveaux besoins, le devant des vestes présente une échancrure de plus en plus grande. Il était donc naturel de le combler avec une cravate qui descend plus bas. La régate est née. Pourquoi régate ? Tout simplement parce qu’on la voyait souvent sur le cou de riches plaisanciers.

Les différents types de cravates - Publicité du Bon Marché au début du XXème siècle

La régate, ça ressemblait à ça dans les années 1900

L’origine moderne de la cravate 3 plis vendue à notre époque est attribuée à un américain : Jesse Langsdorf. C’est lui qui instaure la coupe en biais afin d’éviter à la cravate de vriller au porté. C’est aussi lui qui propose d’y insérer une triplure totalement solidaire de l’enveloppe pour plus de tenue.
Son invention a été breveté en 1924. On a même retrouvé sa déposition original.

Schéma de la cravate déposée par Jesse E. Langsdorf
Cliquez sur l’image pour accéder au brevet

Le brevet a bien entendu expiré depuis. Un deuxième sera même déposé (toujours par Jesse E. Langsdorf), quelques années plus tard. Il y exposait des précisions et des améliorations quant à sa première invention. Vous le trouverez facilement en tapant “Method of making neckties patent” dans Google.

Accessoire obligatoire il y a encore 50 ans, ce n’est plus le cas actuellement hormis pour certaines professions très codifiées. Reste alors le plaisir de porter une belle cravate. Le plaisir d’en porter quand la majorité des hommes l’abandonnent. Et surtout parce que bien choisie elle peut sublimer une tenue.

Porter une cravate n’est pas un acte anodin. Elle en dit souvent long sur vous. Comme le dit très bien François Chaille dans son livre La grande histoire de la cravate, c’est parce que la cravate n’a plus d’utilité qu’elle signifie beaucoup. Un peu comme les insignes militaires qui n’ont d’utilité que dans la mesure où ils nous renseigne sur la personne : son rang, ses faits d’armes…C’est d’ailleurs ainsi que sont nées les Regimental ties puis les Club ties.

Prenons le monde de la politique. Pour dégager une image moins formelle et guindée, nos dirigeants peuvent avoir recourt aux cravates en mailles. Elle dégage une image plus souple, élastique et confortable. A l’instar d’un Manuel Valls.

Finit les costumes très formels pour Manuel Valls. A présent, il abord des tenues plus casuales, plus confortables. On y trouve naturellement des cravates plus sobres, tel que cette cravate en maille bleu marine. (dont le nœud est peut être un chouïa trop gros ?). On le soupçonnerai même de porter des costumes de chez Boglioli.

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur l’histoire de la cravate, pourquoi ne pas aller visiter le musée de la cravate à Panissières ? Plus de 1000 cravates y sont répertoriées, de toutes les époques et de tous les styles. C’est également l’occasion de voir et de comprendre le fonctionnement de vieux métiers à tisser.

II. CONSTRUCTION

La première chose à savoir sur une cravate est qu’elle est généralement composée de 3 parties : la matière principale, la doublure et la triplure. Dis comme ça, c’est un peu compliqué, mais vous allez voir c’est très simple.


ENVELOPPE

La matière principale appelée enveloppe constitue l’extérieur de la cravate, ce que vous distinguez immédiatement. Celle-ci est découpée à 45° des lisières de la laize (largeur d’un rouleau de tissu) de tissu afin d’éviter que la cravate ne vrille lorsque vous la porter.

Si vous êtes attentif, vous vous dîtes que cette découpe à 45° doit être visible sur les tissus dit twill, (twill signifie sergé en français) une construction qui laisse apparaître de légères côtes. On en est moins sûr. Car les tissus twill ont pour la plupart déjà des côtes en diagonales, et il y aussi des exceptions qui ont des côtes verticales. Donc pas si simple.

Exemple ici avec une cravate de chez Brunello Cucinelli en twill de soie. Les côtes sont en diagonales.

Lorsque l’on dit qu’une pièce de tissu suit le droit fil cela signifie que le patronnage est placé dans le sens des fils de chaîne. Ce qui n’est donc pas le cas pour le tisu de cravate, qui est coupé dans le biais.

Cette découpe à 45° est donc un gage de qualité de votre cravate. Toutes les maisons haut de gamme l’utilisent.

Coupeur de l’entreprise Drake’s London - On voit bien que le patronage est placé à 45°
Image : Timeless Man, 2015

L’enveloppe de la cravate est généralement constituée de 2 ou 3 parties. Les cravates très haut de gamme n’ont bien souvent que 2 parties. Cela nécessite plus de tissus dans le sens où il n’est pas possible de placer les différents patronages de manière optimisée, c’est à dire pour produire le moins de gaspillage de tissu. Cravate deux parties ou trois parties, cela n’affecte pas vraiment en soi la qualité de la cravate dans la mesure où les coutures sont bien réalisées. La cravate 2 parties aura peut être juste une main encore plus aboutie du fait d’un surplus de matière utilisé pour fermer la cravate. Cela lui assure plus de gonflant. Ce qui est sûr, c’est que si vous trouvez une cravate montée en 2 parties, c’est très bon signe, il s’agit probablement qu’il s’agit d’une très belle confection. Le reste devrait suivre : une bonne triplure, un montage à la main, une découpe à 45°…

EXEMPLE CI-DESSOUS AVEC L’UNE DE NOS CRAVATE REALISEE EN 2 PARTIES.

L´envers de la cravate, on voit deux « entailles »

L´endroit de la cravate, on voit une « entaille »


On vous rassure tout de suite, ces “jointures”, l’endroit où est cousu les deux morceaux de tissus) sont placées au niveau du cou, donc invisibles lorsque la cravate est portée. Il s’agit d’une seule et même couture qui assemble les deux parties de la cravate.
Vous allez mieux comprendre avec la photo ci-dessous.

Immersion dans l’atelier de confection de Drake’s. Capture d’écran issue d’une vidéo du blog américain Put This On, How It’s Made: The Necktie.
Lien en cliquant sur l’image.

On le voit très nettement avec cet exemple. Cette cravate Drake’s est assemblée en 3 parties : le grand pan (3), le petit pan (1), et le collier (2). La perspective de cette photo écrase un peu les longueurs, car le petit pan est aussi long que le grand. Il est juste moins large.
On remarque qu’il y a donc 2 coutures pour assembler ces morceaux de soie. En pratique, une fois la cravate terminée, cela donne 2 jointures visibles d’un côté et 4 de l’autre.

LA DOUBLURE


La doublure correspond au triangle qui “ferme” la cravate sur le grand pan sur le petit pan. Cela correspond à la partie A et B en vert. Elle peut être réalisée dans le même tissu que l’enveloppe. Dans cet exemple c’est le cas. Elle à juste été retournée pour afficher un autre motif.
Généralement en soie, en viscose ou en coton elle peut aussi être réalisée en polyester pour les cravates bas de gamme ou les marques qui veulent faire des petites économies.

LA TRIPLURE


Enfin la triplure - ou entoilage - est ce qui renforce la cravate et lui donne une main particulière, assure son tombé et sa bonne tenue. Excepté les cravates 7 plis, elles en sont toute pourvues. Même la pluspart des cravates italiennes très légères en ont au moins au niveau de l’encolure. C’est en effet à ce niveau que les tensions et les frottements sont les plus forts. Il convient donc de renforcer le tissu principal pour éviter une usure prématurée. Pour la petite anecdote on avait demandé directement aux couturières de Marinella, lors de leur passage annuel au Bon Marché si il leur arrivait de ne pas en mettre. La réponse fût sans appel : jamais. Elles en mettent toujours, au moins au niveau du collier.

Les triplures haut de gamme sont en soie, en laine ou en laine et soie. Les triplures meilleures marché sont quand à elles en polyester.
Le choix de la triplure est donc assez important car elle va déterminer le bon équilibre de la cravate. Une triplure trop lourde avec une enveloppe fine n’aurait aucun sens.

Maintenant vous connaissez la différence entre triplure et doublure sur une cravate. Car il est facile de confondre les deux bien que leurs fonctions soient différentes.

LES DÉTAILS

LE PASSE-PAN

Le passe-pan c’est ce qui permet de cacher le petit pan lorsque vous portez votre cravate. Pour un port de cravate plus nonchalant, certains (Italiens très souvent) « oublient » volontairement de passer le petit pan dedans. D’autres laissent légèrement dépasser le petit pan derrière le grand pan.

Ci-dessous les 2 types de passe-pan que l’on avait fait réaliser - en France - pour nos propres prototypes de cravate.

Le premier passant (à gauche) est plus solide à notre sens. Mais les deux types sont très courants et assez équivalents.
Parfois c’est l’étiquette de la marque qui sert de passe-pan pour économiser du tissu. Plus bas de gamme à notre sens.

LA BRIDE

Pas de règle absolue, en matière de vêtements tout est possible

Ci-dessus 2 exemples de brides ou parfois appelé point bartak. Le point bartark peut d’ailleurs être utilisé pour d’autres parties de vêtement. Il correspond juste à l’endroit où s’arrête une couture et que l’on veut renforcer pour éviter que celle-ci ne se défasse. L’on réalise alors ce point dit bartak. Il peut également juste s’agir d’un point de couture esthétique sans aucune utilité fonctionnelle.

Les deux points sont réalisés à la main. Le 2ème (à droite) comprend juste plus “de tours de fil”, ce qui le rend - a priori - plus solide et aussi plus cher. C’est d’ailleurs ce point de bartak qui équipe nos cravates.
En italien on parle de travetta. On sait que sur les sites de nos confrères (Parisian Gentleman, Bonne Gueule…) on parle plutôt de travetto. En Italie, c’est plutôt de travetta qu’on a entendu parler. Mais peut être qu’on a mal compris…mystère.


LES ETIQUETTES

Une étiquette propre et bien finie se distingue notamment en la regardant sur l’envers. Si il ressemble à l’endroit et qu’il n’y a pas trop de fils, bingo vous êtes face à une étiquette de bonne facture. Dans le cas contraire c’est sûrement une étiquette standard, voire bas de gamme. (il se peut aussi que vous soyez en face d’une étiquette imprimée, plus cheap selon nous)

L’étiquette de composition est la seule qui est obligatoire sur les vêtements vendus en France. Vous la trouverez donc nécessairement. Elle est souvent cousue sur le petit pan. De la même manière qu’un costume, celle-ci indique uniquement la composition de l’enveloppe. C’est parfois dommage, car il serait souvent intéressant de connaître la composition de la triplure, ce qui est un bon signe sur le soin apporté par la marque à tous les détails. Un peu comme Steve Jobs lorsqu’il expliquait que Apple faisait attention à soigner les intérieurs des ordinateurs Mac, même s’ils sont très rarement ouverts par les clients.

Etiquette sur le grand pan

Etiquette sur le petit pan

La composition de la doublure est quant à elle parfois indiquée. Mais pas systématiquement. Des informations sur l’entretien y sont souvent rajoutés. Enfin, comme expliqué précédemment, l’étiquette de marque est souvent présente au niveau du grand pan, faisant office de passe-pan.

LE FIL

Ce sujet est rarement évoqué. Mais lorsque qu’une marque prend le soin de bien choisir son tissu, sa doublure et sa triplure, pourquoi ne pas pousser le détail jusqu’au bout en choisissant un fil 100% soie. Utilisé depuis des siècles pour la confection de vêtement ou de bijoux, il a fait ses preuves. Résistant et soyeux, il se marie bien avec l’objet qu’est la cravate. Alors certes il est très peu visible et les fils en polyester sont tout aussi résistants. Il n’y aura probablement que vous qui saurez que avez un fil en soie et non en plastique. La définition d’une forme de luxe ?

LA CONFECTION

Plusieurs niveaux de confection sont possibles. On en distingue trois.

Confection entièrement à la main.

A notre sens, c’est le top de ce que vous pouvez trouver sur le marché. Pas seulement pour des considérations esthétiques, mais aussi et surtout parce que c’est (encore) le seul moyen de garantir une main et une longévité exceptionnelle de la cravate.

Comment ? Principalement grâce à la couture main qui ferme la cravate sur sa longueur. Illustration en image.

Image : Reeves-nyc.com

Un seul et même fil parcours la cravate sur sa longueur. Il se termine par une petite boucle que la couturière laisse volontairement . C’est ce qu’on appelle le fil de réserve.

Le fameux fil de réserve qui est présent sur toutes les cravates haut de gamme

Le fil de réserve, c’est l’assurance d’une cravate bien faite. A quoi sert-il ? Il permet à la cravate d’absorber sans sourciller les étirements en longueur lorsque vous la serrez, l’enfilez ou l’enlevez. Elle - le tissu - revient par la suite à sa position initiale. Un peu comme un ressort.

Voilà ce qui arrive lorsque l’on tire sur le fil de réserve
Photo : Capture d’écran issue de la vidéo du blog américain Put This On, How It’s Made: The Necktie.

Capture d’écran issue de la vidéo du blog américain Put This On, How It’s Made: The Necktie.

Un passage sur la cravate vers le bas, et le tissu reprend naturellement sa place.

Un autre détail est souvent bien évoqué lorsqu’on parle de la confection main d’une cravate : le roulotté.

Le roulotté main est une finition souvent présente sur les cravates haut de gamme. Il permet de finir plus proprement les cravates non doublées. Le bord du tissu est soigneusement « roulé » vers l’interieur.

Roulotté réalisée à la main sur notre cravate en laine Barberis

Le roulotté, ça n’a l’air de rien et pourtant…le tailleur Julien Scavini confiait dans un article datant de 2012 qu’il n’arrivait pas à reproduire cette finition, trop technique…

Les cravates doublées sont en général finies avec un simple repli. On dit simple mais ce n’est à prendre de manière négative. Car un roulotté main n’aurait pas vraiment de sens ici. Donc non, contrairement à la présence du fil de réserve, le roulotté main ne doit pas forcément être l’un de vos critères d’achat. Tout dépend de vos préférences en matière de cravate. Vous n’achetez pas du matériel informatique. La raisonnement d’achat ne peut uniquement se résumer à comparer des caracteristiques techniques.

Exemple ici d’un simple repli en bout de cravate - Cravate Biggi Milano

Ce mode de confection est le plus cher. Il nécessite entre 20 et 30 opérations manuelles. Ce qui a forcément un coût.

Confection à la main et à la machine

C’est sans doute la confection la plus courante parmi les marques que l’aime beaucoup sur ce site.

En terme de qualité elle est sans doute équivalente à celle réalisée entièrement à la main. Car le plus important, la structure de la cravate, est toujours montée de manière manuelle. Seul les opérations d’assemblage du col, petit pan, grand pan et de la doublure sont faites soit à la machine à coudre par une couturière, soit sur une machine automatique pour qui concerne la doublure.


Confection entièrement à la machine

Ce type de confection est propre aux industries de masse où le volume prime sur le temps accordé à chaque produit, et donc in fine sur la qualité. Cela s’adresse à la fast fashion ou encore au marché du vêtement de travail.

L’on a aucun doute que même sans fil de réserve ces cravates sont très solides. Elles dureront probablement aussi longtemps qu’une cravate faite main. Surtout parce qu’elles sont majoritairement composée de polyester, une matière très résistante mais moins belle à notre sens. Mais elle n’auront jamais la superbe et le toucher que permet une confection main et l’utilisation de matières plus nobles.

Ci-dessous des exemples de machine utilisées pour confectionner ces cravates vous en un temps record. La plus connue est la « liba », une machine inventée dans les années 1970 qui permet de assembler l’enveloppe et la la triplure de la cravate en moins d’une minute. Vous remarquerez que la seule vidéo que l’on a trouvé sur cette machine a probablement été réalisées en Inde. Tout un symbole.

Dans cette série de vidéos vous trouverez également d’autres machines. L’une permet par exemple de repasser de cravates, une autre de coudre à la chaîne des doublures.

LA CRAVATE 7 PLIS- sevend fold tie

D’après Robert Talbott, elle aurait disparu pendant la seconde guerre mondiale suite à la réquisition des tissus en soie pour confectionner des parachutes. C’est alors lui qui l’aurait réintroduit dans les années 1980.
Mais comme le soulève très bien S. Charlie Weyman dans un article pour NoManWalksAlone, cela relève probablement plus d’une campagne marketing que d’une vérité absolue. Et il cite pour exemple les dires de Marianno Rubinacci qui en vendait déjà dans les années 1950.

Ce qui est sûr, c’est que l’histoire personnelle de Robert Talbott est assez extraordinaire. Diplomé de Harvard, il poursuit une brillante carrière à New-York mais décide de se reconvertir dans la création d’accessoires pour homme. C’est sa femme, Audrey Talbott qui confectionne les noeuds papillons de la marque. Le succès est au rendez-vous. Une première est ouverte a Carmel en Californie grâce a une clientèle fidèle. A sa mort en 1986, Robert Talbott vend plus de 1 000 000 de cravates par an.

Cravate 7 plis de la marque suédoise Berg and Berg - Confectionnée en Italie

On distingue facilement les plis ainsi que l’absence de triplure.

Cravate 7 plis - Vous remarquerez que le tissu est un jacquard : on voit les fils sur l’envers, mais cela reste très propre ! (il est possible de faire encore mieux, mais cela coûterait très cher)

Pour en revenir aux cravates 7 plis, précisons que les « vraies » ne contiennent pas de triplure. Le squelette et la structure de la cravate est conçu et maintenu grâce aux differents plis et replis (7 pour être excate) de l’enveloppe. Vous vous en doutez, la main d’une cravate 7 plis est sublime. Le prix l’est aussi, un parce que cela exige un savoir-faire très particulier et deuxièmement surtout du fait de l’emploi inhabituel et supplémentaire de tissu de soie. (Rares sont les 7 plis en cachemire ou en coton)

Vous en trouverez principalement chez les marques italiennes. Les marques de Luxe françaises (Hermès, Givenchy, Lanvin, Dior…) n’en sont pas particulièrement friandes. Drakes London ou Atelier Boivin non plus bien que ce dernier en propose la confection. Ils sont même capable de produire des cravates 12 plis. Mais cela reste marginal. Il faut dire que la cravate 7 plis, c’est souvent plus un produit d’image qu’un vrai best seller. Ce produit permet de montrer tout le savoir faire d’une entreprise. Ainsi que d’affirmer une image plus luxueuse et raffinée.

Capture écran sur site Atelier Boivin. Janvier 2019.

Digression : Et pour ceux qui se demandent, le décatissage est une opération qui simule un lavage (souvent réalisée via fer à repasser) afin d’éviter le tissu ne bouge (qu’il rétrécisse typiquement) par la suite. Elle est réalisée avant l’utilisation du tissu, surtout si celui-ci n’a jamais été traité.

LES ATELIERS DE FABRICATION

Deux cas de figure se présentent. Certaines marques intègrent directement leur propre atelier de fabrication. D’autres font appel à des ateliers qui travaillent en marque blanche pour plusieurs entreprises et qui possèdent également souvent leur propre marque. Les ateliers qui travaillent pour les marques haut de gamme se trouvent essentiellement en Europe à notre connaissance. En Italie, en France, ou en Angleterre notamment.

ATELIER BOIVIN

Atelier Boivin a été créé en 1920 par Jacques Boivin. Situé à Paris, l’atelier est composé d’une dizaine d’artisants (couturières, coupeurs…). Les cravates sont assemblées à la main et à la machine à coudre. Leurs soieries proviennent majoritairement d’Italie, de la région de Côme notamment.
L’entreprise fonctionne relativement bien, elle a réalisé 600 000€ de CA en 2017.

Les stocks de soierie des ateliers Boivins - Jusqu’à 5000 tissus dormiraient dans leurs caves
Photo : Atelier Boivin

Les différents patrons utilisés par l’entreprise
Photo : Atelier Boivin

Travaillant principalement en marque blanche pour les plus grandes maisons, vous pourrez néanmoins trouver une collection restreinte sous son propre label. Elles sont notamment distribuées en ligne sur le site Beige Habilleur.

Sur le petit pan, l’étiquette mentionne “Fabriqué à la main en France”
Photo : BeigeHabilleur

Cravate Boivin - Vous remarquerez que le passe pan n’est pas réalisé avec le tissu de la cravate, mais avec l’étiquette de marque
Photo : BeigeHabilleur

Comme le précise Anne Gillier dans une interview réalisée par Dirnelli pour Parisian Gentleman, Boivin confectionne majoritairement des cravates 3 plis avec triplure. Comme celles juste ci-dessus. Le constat est quelque peu différent chez le pendant britannique, Drake’s London. Ils réalisent les 2 types de cravates.

On cite :

Adriano Dirnelli : C’est vrai que vos cravates ont toujours une belle main. Vous n’avez pas été séduite par la vogue actuelle des cravates légères non-doublées ?

Anne Gillier : Vous voulez parler des cravates exagérément fines et légères? Non, pas du tout. Cette « tendance », comme on dit de nos jours, ne nous intéresse pas.

Nous offrons cependant certains modèles de cravates sept plis, mais la demande reste limitée.

Pour la petite histoire, Anne Gillier est l’ancienne dirigeante de Boivin. L’atelier a récemment été racheté par l’un des fondateurs de Maison F, une marque spécialisée dans les cravates et nœuds papillons.

HERMES

Hermès c’est 2 millions de cravates écoulées chaque année. Une maque incontournable dans ce secteur. Et comme vous le savez sans doute, Hermès réalise ses propres cravates en interne, ce qu’on appelle dans le jargon journalistique une fabrication verticalement intégrée. Ce qui n’a pas toujours été le cas.

L’histoire a démarré en 1949. Une succursale de Hermès à Cannes est situé juste à côté du Casino de la ville. A l’époque l’entré dans un casino est soumise à des règles vestimentaires strictes. La cravate y est notamment obligatoire. La suite vous l’aurez comprise, les joueurs sans cravates venaient naturellement en chercher une chez Hermès. Au début la marque décide d’en faire faire. Puis, le succès venant, elle investie dans des ateliers de confection. Elle profite également de son savoir faire dans les carrés de soie pour créer ses propres motifs de cravates. C’est le dessinateur Henri d’Origny qui en est l’auteur. Il est à l’origine de plus de 1000 cravates. Il signe également certains carrés de soie.

La confection d’une cravate Hermès est aujourd’hui réalisée entièrement en France. Vous pouvez notamment découvrir ce savoir-faire lors de leurs expositions « Hermès hors les murs » à Paris. Vous remarquerez alors que celles-ci sont réalisés en 2 parties et non 3.

ANTHIME MOULEY

Crée en 1919 et située à Gaillard en Haute-Savoie, Anthime Mouley est entreprise labellisée Entreprise du Patrimoine Vivant. Son savoir-faire est donc largement reconnu. Elle confectionne des cravates pour les plus grandes marques Dormeuil, Cerruti 1881 ou encore Lanvin. Quelques 800 000 cravates ont été produites en 2007. Une marque propre a depuis également été créé : Atelier FB.

ZEGNA

Propriété de Zegna, Orsini est l’un des plus grands ateliers de fabrication de cravate en Europe. Grand par le nombre de cravates produites : un article du site Robb Report datant de juillet 2010 estimait la production annuelle d’Orsini à 2 millions de cravates.

Mais grand aussi par la belle renommé d’Orsini dans le secteur grâce à leur très bon niveau de confection. Ils travaillent ainsi avec plusieurs grandes maisons de coutures. Ils ont notamment un contrat d’exclusivité avec la filiale controversée du groupe Kering : Luxury Goods International. (*Voir Wikipedia)

Les cravates de Saint Laurent et Gucci sont donc vraisemblablement produites par le groupe Zegna.

Situee à 30 km de Milan, cette entreprise est née en 1978 de la collaboration entre Angelo Zegna (le fils du fondateur) et Luciano Donatelli (qui a obtenu un master en marketing à la Sorbonne), alors membre des équipes commerciales de Zegna.

THIERCELIN

Thiercelin était un atelier de fabrication de cravates de plus d’une centaine de salariés. On dit « était » car l’avanture s’est arrêté en 2002 malgré les stratégies de relances initiées par Carl Thiercelin depuis 1999. La faute selon lui à une concurrence trop forte, Italienne notamment. En effet, les prix de confections français sont nettement plus élevés qu’en Italie. Et ne parlons même pas de la Chine

Il déclarait ainsi : « En Chine, le premier prix de vente d’une cravate est compris entre 1,37 Euros et 1,82 Euros. C’est le coût de fabrication dans notre atelier. » On imagine qu’il évoque les cravates faites machines, car l’entreprise était à la fois capable de produire des cravates faites entièrement à la main ou faites à l’aide de machines.

Pourquoi en parle-t-on ? Parce qu’il s’agissait d’un atelier emblématique du secteur en France qui a par exemple produit les cravates Christian Dior. L’atelier a même un temps appartenu à la marque Breuer. Il illustre bien les difficultés que peuvent rencontrer les entreprises de ce secteur : un désintérêt des consommateurs pour le produit et une intensification de la concurrence.

Les ateliers évoqués ci-dessus concernent les cravates composées de tissus chaîne et trame. Les cravates en mailles sont fabriquées autrement. Exemple avec un atelier français du sud de la France.

LES ÉTABLISSEMENTS DIOGENE

Situés à Perpignan, il s’agit de l’un des derniers atelier Français capable d’en produire des cravates en maille. Il travaille notamment avec la marque de Déborah Sitbon Neuberg, De Bonne Facture. Elles sont tricotées sur des anciennes machines circulaires (un peu comme les chaussettes). Les opérations manuelles sont donc moindres. Ce qui n’enlève rien au charme de ces cravates. Elles peuvent être tricotées aussi bien en soie qu’en laine ou en cachemire.
Certaines présentent une triplure au niveau du collier pour plus de solidité. Mais comme l’affirme Diogène Henri-Claude, le fils du fondateur, sans triplure elles sont encore plus confortables.

Ce type de cravate est souvent fini par un bout carré. Mais il arrive que des marques proposent un bout « triangulaire », imitant ainsi le rendu d’une cravate classique.

Oui, cette capture d’écran a bien été prise le 1er janvier à 11 h 26. Histoire de bien commencer l’année.

Vidoni, fabricant de cravate et accessoires italien, a par exemple lancé il y a quelques saisons une collaboration avec le magazine Monocle. La cravate en maille, 100% laine, au prix tout doux de 65€ est finie par un bout « triangulaire » (ou parfois appelé en « V »).Tout comme pour les cravates tissées, les bonnetiers (fabricants de maille) peuvent jouer sur le point de tricot pour créer des effets visuels particuliers, ou des mains particulières.

Cravate de soie à pois en maille - Anglo-Italian

LES MATIÈRES

Le tissu principal est très souvent composé de soie. Mais pas uniquement. C’est ce que nous allons voir.


COTTON et LIN

Les cravates en coton ou lin sont plus rares mais elles existent. Elles sont souvent moins formelles que les cravates en soie.
Il n’est pas rare qu’elles soient mélangées avec de la soie ou de la laine afin d’obtenir une main ou un visuel différent. Une option à considérer, notamment si vous aimez particulièrement leur toucher et rendu visuel. Une bonne porte d’entrée pour commencer à porter des cravates sans ressembler à un clown.

CUIR

Les cravates en cuir furent assez répandues dans les années 50 aux années 80. Ce n’est pas la cravate moderne que l’on connait actuellement. Il s’agit plutôt d’une sorte de ficelle en cuir fermée par une boucle en métal à mettre autour de son cou. On l’appelle bolo ou cravate texane. Cette idée est apparu dans les années 1940 à Wickenburg lorsqu’un Cow-Boy du nom de Cedarstaff, lassé de perdre son chapeau, décida d’y ajouter cette ficelle. Cette insolite cravate connue très vite un certain succès auprès de ses compagnons de route, et bientôt tous les cowboys de l'Ouest américain en portèrent. Elle fût même brevetée et déclarée en 1971 cravate officielle de l’état d’Arizona. Non, on invente rien, en cas de doute allez voir sur Wikipedia.

Même Hermès a produit des bolas dans les années 1990. Illustration en image.

Cravate en cuir suédé

Quelques cravates sous une forme plus moderne ont été créées en cuir. Suédé principalement. Mais c’est resté très marginal dans la longue histoire de la cravate.

La soie

La matière reine de la cravate. Les principaux producteur de soie (brute et produits finis) sont la Chine, l’Inde et le Japon.
Sur le marché de la cravate on peut distinguer 2 grands types de tissus en soie : les imprimés et les tissus jacquard.
Au milieu de tout ça, vous avez des tissus qui ne sont ni des jacquard à proprement parler, ni des imprimés. On veut parler des tissus que vous trouverez souvent dans le monde la cravate : les grenadines, les cannelés, les ottomans…il s’agit en fait simplement d’une façon differente de tisser. C’est ce qu’on appelle l’armure. Selon l´armure choisi, le tissu a une main et une texture et un visuel différent.

LES IMPRIMES

Pour les imprimés, des tissus brut (généralement tissés en twill) et prêt à teindre directement de Chine. Il ne reste plus qu’à rajouter une impression - avec des motifs le plus souvent. C’est un peu l’équivalent du tye and dye dans le vêtement.

LES JACQUARD

L’autre possibilité, c’est d’utiliser des fils de soie déjà teints et de jouer sur l’armure du tissu pour créer des effets de textures, de couleurs et de motifs. L’armure d’un tissu correspond à la façon dont les fils de chaîne et de trame s’entrecroisent. On peut ainsi réaliser des « dessins », c’est que qu’on appelle le tissage jacquard. Pourquoi Jacquard ? Parce que son fondateur est un Lyonnais du nom de…Joseph Marie Jacquard. Cette invention date de 1801. À cette époque les ordres de déplacement des crochets qui soulèvent les fils de chaîne sont gérés grâce à des cartes perforées. Aujourd’hui sur les métiers Jacquard mordernes, toute cette partie est gérée par ordinateur.

Exemple de tissus jacquard d’une cravate Charvet. On distingue très nettement que les motifs violets et sont pas dûs a une impression numérique mais d’un entrecroisement complexe de fils.

Deuxième exemple d’une tissus jacquard. La cravate n’étant pas doublée on distingue très nettement que les motifs de planche à voile ne sont pas dus à une impression numérique mais à l’entrecroisement de fils. Vous noterez également que l’envers du tissu n’est pas réversible. Les jacquard très haut de gamme présentent un endroit et un envers très propre et semblable.

Ceci étant dit, il s’agit peut être de l’effet recherché ici.

LE POIDS DE LA SOIE

Le poids de la soie est souvent un élément déterminant dans le choix du tissu de cravate. On considère souvent que les plus belles cravates ont des tissus de soie assez lourd, ce qui leur donne une main particulière. Nous on pense surtout que c’est à chacun d’apprécier selon ce qu’il recherche : une cravate légère pour l’été ? Polyvalente pour toutes les saisons ?
Ce qui est sûr toutefois, c’est que plus le tissu de soie utilisé est lourd, plus il sera cher. Les gens du métier utilisent le momme (prononcez “mommy”) pour mesurer le poids au mètre carré d’une étoffe de soie.

1 momme = 4g/m2

Les Anglais utilisent quant à eux le onces, une unité que vous connaissez sans doute déjà puisqu’elle est utilisée pour les jeans. Un jean brut A.P.C pèse environ 13 onces. (13 oz en abrégé)

Les cravates oscillent en général entre 10 et 45 momme, soit entre 13 et 60 oz. En règle général les cravates de Luxe utilisent des tissus (souvent en twill) de soies de 50 oz.

Exemple ici avec une cravate Drakes en twill de soie 50 oz

On peut distinguer 2 types différents d’impressions :

  • directement sur le tissu

  • par transfert : l’impression est faite sur un matériau intermédiaire (typiquement un papier), puis l’impression passe de ce matériau au tissu textile

Parmi les impressions directement sur le tissu, il y a celles dites de sérigraphie. Elles consistent (via un cadre ou un rouleau) à ne laissez passer via de petits trous que certaines couleur aux endroits voulus sur le tissu. En effet ces derniers sont gravés via ordinateur ou à la main. Tout comme l’opération consistant a décomposer le dessin en plusieurs sous-dessins. Elle est souvent effectué a la main. Cette étape de décomposition est nécessaire pour obtenir le dessin dans son intégralité. En effet chaque cadre (ou rouleau) ne laisse passer qu’une seule couleur. En superposant toutes les couleurs on retrouve le dessin original. Cela suppose donc de créer un seul cadre par dessin et par couleur. Non seulement  le nombre de couleurs est limité mais plus le nombre de couleurs est important plus l'impression sera chère. 

 

Ce savoir-faire très pointu est bien maîtrisé en France. On pense en particulier à l’entreprise Marcel Gandit. Fondée en 1947, cette dernière a depuis été intégrée a la Holding Textile Hermès. C’est donc là-bas que se fabriquent les futurs motifs que vous trouverez sur votre belle cravate Hermès. On peut compter jusqu’à 12 cadres pour réaliser une cravate haut de gamme. Au-delà, on rentre dans le très exceptionnel et un prix qui sera proportionnel au nombre de cadre nécessaires.

 

Pour ce qui de l’impression par transfert, on peut notamment citer celle dite d’impression au bloc. C’est très certainement l’une des plus anciennes. De manière imagée, cela revient à procéder comme avec un tampon. On le trempe dans de l’encre puis on marque le papier en y exerçant une pression.
Dans notre cas, on grave le dessin voulu sur un block de bois. Puis on l’immerge dans un bain de teinture. En appuyant ce bloc sur le morceau de tissu on imprime le dessin. Cette technique est très bien maîtrisée par un célèbre imprimeur anglais : David Evans. Cette entreprise a malheureusement fermée dans les années 2000. Elle collaborait alors avec les plus grandes marques : Holland Holland, Drake’s, Dior…L’entreprise comptait alors dans ses archives plus de 70 000 blocs de bois différents. Elle est notamment connue pour ses madders.
Les cravates madders sont des cravates dont le tissu a subi une opération supplémentaire : il a été teint avec de la garance (sous forme de pâte), un colorant rouge naturel qui permet de rendre les couleurs plus subtiles. La main change également, elle devient plus veloutée.
Chez David Evans, la garance était mélangée avec du citron vert et de la bouse de vache (oui oui) selon une recette secrète. L’entreprise avait même son propre troupeau pour récolter les excréments. Aujourd’hui ce pigment naturel a été remplacé par l’alizarine, la version de synthèse de la garance, mise au point au XIXème siècle.

Pour ceux que ça intéresse, ce documentaire retrace le processus, du cocon de soie jusqu’à l’impression sur bloc.

A 10min27 vous pourrez notamment voir la Whitchurch Silk Mill, l’un des plus anciens ateliers de production de tissus en soie.

Un autre fleuron anglais est lui toujours bien en activité, même après 3 siècles. Il s’agit de Stephen Walters. L’entreprise tisse des textiles en soie depuis 1720. Elle réalise presque tout le processus en interne, de la production du fil soie à la finition du tissu. Elle est notamment connue pour ses soies plus mates que les soieries chinoises. C’est une caractéristique générale des soies anglaises.

Si vous voulez en savoir plus sur Stephen Walters, l’on vous conseille la lecture de cette interview de Julius Walters, le propriétaire et PDG actuel de l’entreprise. Un héritage qui se transmet depuis déjà 9 générations.

L’autre pays en ce qui concerne la soie est…l’Italie ! Particulièrement aux abords du lac de Côme. Les acteurs dans la région ne manquent pas : TESSITURA TABORELLI, CANEPA, LISA, ISA, E.BOSELLI, COLOMBO…Mais deux entreprise se dégagent du lot : RATTI et MANTERO.


RATTI

Fondée en 1945, Ratti est une entreprise du Groupe Marzotto, un lainier italien de presque deux siècles. Une entreprise qui est même côté à la bourse de Milan - et avant même son rachat par le Groupe Marzotto. C’est vous dire la puissance de ce groupe. Vous vous en doutez, pour atteindre ce niveau, l’entreprise s’est diversifiée. Elle peut également travailler sur d’autres matériaux que la soie. Que ce soit avec les autres matériaux naturels comme le coton, ou encore avec des matières plus techniques et chimiques tel que le polyester.
Tout comme Mantero, l’autre grande force de Ratti provient de ses archives. Plus de 400 000 tissus sont ainsi conservés (tout confonu : femme, homme, ameublement) depuis 1945. De quoi alimenter la réflexion des designers actuels.
De grandes marques ont confiées la production et la distribution sous licences de foulards et autres accessoires en soie à Ratti. On peut citer Leonard Paris, Givenchy, Elie Saab, Ungaro et Furla.
Si vous allez à Guanzate (à côté du lac de Côme), dans le magasin d’usine de Ratti, il est fort probable que vous puissiez trouver ces marques. Et très certainement d’autres encore.

La villa Sucola, symbole de la prospérité du groupe Ratti. Elle accueille la fondation de l’entreprise.

La villa Sucola, au bord du lac de Côme en Italie

MANTERO

Avec Ratti, Mantero fait partie des plus grandes entreprises verticalement intégrées de la région de Côme. La plupart des opérations sont réalisées en interne, du tissage à la finition en passant par des opérations de teinture ou d’impression. D’autres entreprises plus petites telle que E.Boselli ou Colombo intègrent une majeure partie du cycle de production mais doivent soit externaliser certaines opérations, soit se concentrer sur un certain type de fibre. (en ne prenant pas en charge le polyester par exemple). A côté de cela, c’est plus d’une centaine de petites entreprises (souvent peu connues) travaillant dans la soie qui sont installées dans la région de Côme.
Fondée en 1902 par Ricardo Mantero, l’entreprise est devenue au fil des décennie l’une des plus importantes du secteur. Les plus grandes maisons de luxe travaillent eux, tout comme certains entreprises de la fast-fashion.
Leurs archives de motifs plus ou moins ancien ont été complètement digitalisées. Elles sont une source inépuisable d’inspirations pour leurs clients.

Pour vous donner une idée du savoir-faire très prisé de Mantero, un article du New-York Times stipulait en 1991 qu’il s’agissait du fournisseur exclusif des foulards Chanel.

Ottaviano Mantero (de Carlo Riva, un fabricant de tissus de chemises - aucun lien avec l’entreprise Mantero) and Michael Hills from Drakes shot by James-Harvey-Kelly

Les Italiens ne sont pas les seuls connues pour leur savoir-faire en matière de tissu en soie.

Gessner AG & Weisbrod-Zürrer AG

En Suisse également la tradition de production de soie est également très présente. Dans les années 1850, la région de Zürich était la deuxième plus grosse productrice de soie au monde. De cet âge d’or ne subsiste aujourd’hui que deux entreprises. Les deux meilleurs ont survécu même si une grosse partie de leur production est à présent assurée à l’étranger. (à Côme notamment) Il s’agit de Gessner AG et Weisbrod-Zürrer AG. En 2007, Weisbrod-Zürrer AG a introduit des cravates 100% made in Suisse. Les tissus de soie étaient alors réalisés sur l’une des plus grande machine jacquard d’Europe. La confection des cravates était elle assurée par un partenaire local, Lernwerk Turgi. Point d’orgue de ce savoir-faire, une cravate tissée avec un fil en partie composé d’or (5g au total) était même vendue en série limitée au doux prix d’environ 700€. L’aventure s’est arrêtée en 2011. Les accessoires sont toujours vendus, mais ils ne sont plus réalisés entièrement en Suisse.

QUID DE LA FRANCE ?

En France, on peut citer Bianchini-Férier (on trouve encore des cravates en occasion) ou Brochier Soiries. Cette dernière est spécialisée dans l’impression de motifs placés, principalement des copies d’oeuvres d’art célèbres afin de créer des cravates à destination des plus grands musées du monde.

Un autre nom à retenir : le groupe lyonnais Dutel. Au sein de celui-ci se trouve notamment l’entreprise Logoclub qui fournit par exemple les cravates des armées françaises. Plus de 100 000 en 2015 sur une durée de 4 ans. Le tissage est réalisé en France, majoritairement dans la région des Pays de la Loire. Elle peut tisser aussi bien des soieries complexes que des tissus en polyester. La confection est quant à elle réalisée en Europe.



LAINE, CACHEMIRE ET TWEED

Les cravates en laine ont connu un engouement dans les années 60 et 70. Particulièrement pour les versions tricotées. Elles sont redevenues à la mode ces dernières années. Un des principaux avantages qu’on peut leur trouver est leur main duveteuse et l’absence de brillance. Elles se marient également parfaitement avec des tenues d’hiver.

Les plus belles de ces cravates sont tissées avec ce qui se fait de mieux en : de la laine d'Écosse, du cachemire ou de l’Alpaga. Les motifs sont souvent moins variées la soie. Probablement parce que historiquement les techniques ont été développées autour de la soie et peut être aussi à cause de la tendance à boulocher de la laine. On peut les marier avec de la soie pour atténuer cet effet. Il arrive aussi que les cravates en cachemire soient spécialement traitées pour éviter qu’elles ne boulochent trop rapidement étant donné qu’une cravate est régulièrement amenée à subir des fortement, principalement au niveau du nœud et du tour de cou.

Plus rare étant donné le poids et la rusticité d’une telle matière (qui n’est pas des plus douces rappelons-le), le tweed peut être également utilisé.

A la manière des costumes, il n’est pas rare que les marques de cravates précisent quel est le tissu utilisé. De la flanelle de laine de chez Fox Brothers ou Barberis par exemple.

Cravate J.Crew en flanelle de laine Fox Brothers

Pour la cachemire c’est beaucoup plus rare mais certaines marques osent quand elles utilisent ce qui se fait de mieux. C’est le cas d’Anglo-Italian. La jeune marque utilise du cachemire tissé par Joshua Ellis. Tout simplement l’un des meilleurs tisserands dans ce domaine. Cet atelier travaille avec les plus grands groupes de Luxe.
D’ailleurs, si vous voulez acheter une écharpe de luxe, allez chez eux. Vous aurez la garantie d’éviter tous les intermédiaires. Idem pour Johnson of Eglin ou Begg and Co.

Il n’est pas rare egalement de trouver des cravtes avec un tissu en laine ou cachemire de l’un tisseurs les plus réputés au monde : Loro Piana. Regardez du côté de Viola Milano si cela vous intéresse.

Cravate Anglo-Italian - Tissu 100% cachemire Joshua Elis

2ème exemple - Cravate Anglo-Italian - Tissu 100% cachemire Joshua Elis

Les motifs

Cette partie vous intéresse ? Vous voulez savoir pourquoi les rayures des cravates club sont tantôt à droite tantôt à gauche ?
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III. Les différents types de nœuds

La seule utilité réelle de la cravate, c’est qu’on la retire, sitôt rentré chez soi, pour se donner l’impression d’être libéré de quelque chose, mais on ne sait pas de quoi
P. Coelho

Bon avant de pouvoir la défaire le soir en rentrant chez vous, voyons d’abord ensemble comment la nouer. Et c’est là que cela se complique un peu. Les possibilités de nœuds de cravate sont assez larges. Plusieurs milliers ont été répertoriées. On vous épargne bien entendu la liste complète. Concentrons-nous sur les plus connus.

Notre noeud préféré est sans aucun doute le noeud simple. Facile à réaliser (excepté la 1ère fois), il est aussi à notre sens l’un des plus jolis. Il ira avec la plupart des chemises et des morphologies.

Noeud de cravate simple - The Nine

On apprécie également lorsque le petit pan apparaît très subtilement derrière le grand pan. Bon on reconnaît que cette tendance est à la mode. Particulièrement de l´autre côté des Alpes. Elle apporte une touche de nonchalance, de décontraction.

Jake Grantham - Cravate du groupe japonais Tie your Tie

On ne recommande pas spécialement le noeud de Windsor. Très certainement le plus connu, mais assurément l’un des plus gros. A tel point que le Duc de Winsdor le déconseillait lui même.


COMMENT ENTRETENIR SES CRAVATES ?

Première chose à faire une fois rentré chez vous : la dénouer ! Eh oui, on vous connait…vous avez tendance à les enlever le soir sans défaire le noeud puis à a remettre le matin avec ce noeud déjà fait. Alors certes c’est très pratique. Sauf qu’à la longue vous fragilisez la cravate. Il vaut mieux que le tissu puisse se reposer, a plat ou sur un cintre, sans noeud.

Question repassage, on conseille d’éviter autant que possible. La triplure pourrait en être affectée. Si vous ne pouvez pas faire autrement, mettez un tissu entre le fer et le tissu de votre cravate pour éviter qu’elle ne se lustre trop.

Question lavage, là aussi on déconseille. Qui mettrait son costume (les versions traditionnelles qui sont entoilés, pas les derniers de chez Zegna ou Lardini qui sont conçus pour être lavables en machine) dans la machine à laver ? Personne, car les différents tissus ne réagissent pas de la même manière au contact de l´eau. Elle pourrait vraiment perdre de sa superbe si la triplure venait à rétrécir. Nettoyage à sec uniquement donc.

COMMENT LES STOCKER ?

Le mieux est sans doute de les stocker à plat ou enroulées. A l’abris de l’humidité et de la lumière.
Il est également possible de les stocker sur cintre. Mais pour les plus pointilleux d’entre vous, il faut garder en tête qu’après une certaines durée la cravate peut marquer un pli.

Cintre de cravate trouvé sur Amazon

Housse de cravate provenant de chez Hermès

Vous pouvez également suivre le conseil de Francois Vinas, PDG d’Anthime Mouley : « Primo, éponger immédiatement toute tâche avec un chiffon propre imbibé d'eau gazeuse. Secundo, toujours la dénouer le soir. Et plutôt que de la suspendre, la rouler en escargot pour qu'elle reprenne sa forme initiale. Enfin, ne jamais la confier à un teinturier lorsqu'elle est en soie : cette matière ne se détache pas. »

On n’aurait pas dit mieux.

QUELLE EST LA BONNE Largeur DE CRAVATE ?

Une question toujours épineuse. La largeur idéale selon nous est de 7 cm voire 7.5 cm. Elle ira vraisemblablement à la plupart des gens. Si vous êtes de forte corpulence et que vous aimez les revers assez larges, il vous est alors possible d’opter pour du 8 cm ou même du 9 cm.

Si vous tenez absolument à avoir une cravate très fine (moins de 7cm), il est dans ce cas possible de se tourner vers les cravates en maille. Si vous en voulez une encore plus fine, il va falloir chercher du côté du bola.

Karl Lagerfled dans sa bibliothèque - Cravate large de plus de 10 cm
Voilà déjà plus de 35 ans, qu’il n’est jamais sorti sans cravate. Un exemple à suivre ?

Note : on ne prétend pas être juge du bon ou du mauvais goût. On met juste en avant les styles que l’on aime et qui sont dans l’air du temps. Car on a bien conscience que la mode évolue. Il y a 50 ans on aurait peut-être conseillé de porter une cravate de 10 cm de large ? C’était la mode des kepper tie en Angleterre, puis en France. Les kipper tie sont des cravates assez larges ornées d’imprimés et de couleurs criardes.

Concernant la bonne longueur, comme souvent, tout est une affaire de proportions. A moins de mesurer 1 m 60, la longueur de la cravate ne sera pas un problème. Elle mesure en règle général +/- 148 cm. La question qui va se poser est plutôt de savoir où faire atterrir le grand pan ? Avant la ceinture* du pantalon ? Au même niveau ? En-dessous ?
Nous on conseillerais de la porter pile au même niveau. En tout cas jamais trop haut dessus, ni trop en-dessous. Quitte à devoir faire dépasser le petit pan parce que vous avez trop de longueur. Et dans ce cas, ne le faites pas passer dans le passe-pan.

* Quand on parle de ceinture, il ne s’agit pas ici du modèle en cuir ou en tissu que l’on connait tous et que l’on insert dans les passants d’un pantalon. Il s’agit de la bande au niveau de la taille qui termine les pantalons.



DU BON NOMBRE DE CRAVATES

Comme le dit très bien David Coggins dans Common Thread, le beaucoup des uns n’est pas le même pour tout le monde. Pour vous 10 cravates sera sans doute déjà beaucoup. Pour d’autres ce sera plutôt 100. D’autres encore, ce sera même 500.

On raconte qu’Aristote Onassis, industriel milliardaire Grec et amant de Maria Callas puis époux de Jacqueline Kennedy en possédait 48. Toutes de couleur noir. 24 pour l’hiver et 24 pour l’été.


Le bon nombre ?
5 est déjà très bien à notre sens. Des cravates sobres et faciles à porter :

  • 1 en grenadine de soie bleu marine pour toutes les saisons

  • 1 en maille à bout carré en soie bleu marine pour toutes les saisons

  • 1 cravate club pour toutes les saisons

  • 1 en 100% cachemire grise pour l’hiver

  • 1 imprimée soie avec une construction légère pour l’été

Pour éviter qu’elles ne finissent au placard, pensez déjà avec quelles tenues vous allez pouvoir les associer. Une cravate club ira par exemple parfaitement avec un costume bleu marine et une chemise bleu clair.

Illustration réalisée par Luke Edward Hall de David Coggins pour le magazine Common Thread

David Coggins lors du Pitti Uomo à Florence - Photo par Jamie Ferguson pour Drake’s London

IV. Les principales marques


QUELLES SONT LES MEILLEURES MARQUES ?

FRANCE

Charvet : marque mythique dont le savoir-faire est reconnu internationalement. Cravates distribuées sur la place Vendôme ou en ligne sur Mr Porter.

Breuer : Fondé en en 1892, Breuer a connu une histoire extraordinaire. Aujourd’hui l’entreprise vend une collection complète de vêtements. Mais c’est bien par la cravate que l’aventure a commencé. Enfin, par la régate pour être plus précis.

Boivin : on vous présente plus la marque, c’est du très bon

Hermès : si vous cherchez une cravate qui sort de l´ordinaire (et dont la côte reste bonne, même en occasion)

ITALIE

Bigi Milano : vendue sur notre e-commerce préféré, Trunkclothiers

E.Marinella : le magasin de cravates le plus connu de Naples. Et probablement l’un des plus petits. Ce qui n’empêchent pas les touristes d’y faire la queue pour leurs achats de Noël.

La marque est présente chaque année au Bon Marché Rive Gauche avec 2 ouvrières pour partager son savoir-faire. C’est à cette occasion que l’on a appris que leur journées démarraient toujours à 6h30 pour accueillir les clients désireux de prendre un café avant d’aller au travail. Inspirant, non ?

Calabrese 1924 : vous les avez sans doute vu dans le film Ô’mast. Nos amis de chez Ardentes Clipei en distribuent une bonne sélection.

Patrizio Cappelli : Cravatier Napolitain. A noter qu’il propose un service sur-mesure. Nos amis de Redingote nous en avaient dit que du bien.

ANGLETERRE

Drakes London : je crois qu’on a déjà dit beaucoup à son sujet. Rien à ajouter, une valeur sûr.

ALLEMAGNE

Hugo Boss : on s’est fait offrir récemment par une amie une cravate de la marque. Notre avis ? Positif, la confection - italienne - est bonne et le tissu choisi nous a fait bonne impression .

Avec l’Internet, de nombreuses marques de cravates et d’accessoires se sont crées. La raison ? Les cravates sont des produits - a priori - plus faciles à vendre et à produire. Facile à vendre car il n’y a pas de tailles et qu’il est facile d’accumuler un peu de stock - ne nécessite pas beaucoup de place. Facile à produire, car même si sa fabrication nécessite un certain savoir-faire, il faut avouer qu’en terme de complexité et d’industrialisation, on est à des années-lumière de la fabrication d’une chaussure par exemple. Loin de nous l’idée de dénigrer ces marques puisque passionné par son histoire, nous vendons également de tels accessoires. Mais cela permet d’expliquer en partie la création récentes d’une pléthore de marques de cravates. Et bien souvent, de très bonne qualité. On pense à Shibumi en Italie ou Atelier Particulier en France, ou encore à Berg and Berg en Suède. Pour ne citer qu’eux.