Champion - Sweat-shirt Reverse Weave
En début de mois, j’ai écrit un article sur un détail intrigant du sweat-shirt Camber de Marcos : pourquoi le panneau de jersey avant (et arrière) est-il placé à l’horizontal et non à la verticale, comme ce que l’on peut voir couramment sur le marché ?
La réponse à cette question, c’est Pierre-Antoine Lévy de For The Discerning Few - que nous avons par ailleurs interviewé ici - qui nous l’a apportée en commentaire : “C'est pour éviter le retrait au moment du lavage à l'instar du Reverse Weave de Champion”.
Forcément, j’ai fait quelques recherches sur le sujet. En voici une courte synthèse.
Champion est une marque de sport, créée en 1919, sous le nom de Knickerbocker Knitting Mills à Rochester, dans l‘État de New York. Elle a été fondée par les deux frères de la famille Feinbloom, Abraham et William.
Champion était vendue directement aux écoles et aux universités. Elle ne passait pas par le traditionnel circuit de vente au détail. En 1923, la marque change de nom pour devenir Champion Knitwear. Dans les années qui ont suivi, la société a lancé un certain nombre de produits innovants dont le sweat à capuche (hoodie) que tout le monde connaît. Ou plus précisément, Champion en revendique l’héritage. Ainsi, Harold Lipson, ancien PDG de Champion a déclaré qu'ils avaient développé ces sweatshirts "pour les équipes d’athlétisme, pour les équipes de football, pour les entraîneurs qui devaient rester à l'écart par temps froid". Par la suite le sweatshirt à capuche fût également adopté par les ouvriers. Notamment lorsque l'entreprise Asplundh, une société de travaux forestiers, a décidé que le sweat-shirt à capuche serait parfait pour ses hommes.
Champion a également gagné en notoriété lorsqu’ils ont développé un brevet pour palier aux problèmes récurrents de rétrécissement des vêtements de sport du fait des lavages très réguliers. Le 9 août 1938, un brevet répondant à cette problématique fut déposé par un certain Samuel N.Friedland de Champion.
Le brevet, intitulé « Athletic Shirt And Method of Making The Same », détaille cette nouvelle façon de fabriquer des sweat-shirts. Le principe est simple : au lieu de couper le devant, le dos et les deux manches du vêtement dans le sens machine standard du tricot tubulaire (vertical), le sweatshirt est placé perpendiculairement (sens horizontal).
Ainsi, lorsque le tissu rétréci, le sweat-shirt devient juste plus ajusté et non trop court*, que ce soit au niveau du torse ou des bras. C’est d’ailleurs pour cette raison que les premiers sweat-shirts sont légèrement oversize, afin de prévenir le shrinkage (rétrécissement) qui va avoir lieu après les premiers lavages.
*Cela s’explique par le fait que tous les jersey bougent dans le sens “vertical” mais beaucoup moins dans le sens “horizontal”. Que ce soit en terme d’élasticité ou de retrait.
Les sweat-shirts réalisés à partir de ce premier brevet sont réalisés en une seule pièce tubulaire. Le dessous des manches et les côtés sont ensuite cousus ensemble. Il n’y a donc pas de couture au niveau des épaules, ce qui évite au passage d’avoir des coutures effilochées à cause des frottements des sacs à dos de sport. Pour terminer, Champion rajoute des bords-côte au niveau des poignets et du col.
Ci-dessous un sweat-shirt Champion réalisé sur la base ce brevet. Il s'agit d'une reproduction de ce premier modèle du “Reverse Weave”. Tous les détails ont été reproduit à l’identique, même l’étiquette. Les sweat-shirts Reverse Weave étaient si recherchés au Japon que la marque a officiellement relancé une collection, même en Europe.
En 1952, Friedland et William Feinbloom déposent un nouveau brevet intitulé “Athletic Garment Or The Like”. La description de ce brevet précise "Cette invention concerne, en général, le port de vêtements, et vise plus particulièrement des améliorations dans la fabrication et la construction de vêtements communément appelés sweat-shirts et pantalons de survêtement qui sont portés par les athlètes et autres pratiquants de sport".
Cette fois-ci le sweat-shirt n’est plus réalisé en une seule pièce tubulaire. Les manches sont montées et sur les côtés on remarque la présence des panneaux latéraux de type côte 1x1. La construction du pantalon de survêtement est également détaillée.
Comme précédemment, ci-dessous une reproduction de ce sweatshirt.
Pour en revenir à Camber, toutes ces techniques peuvent effectivement se retrouver sur des sweatshirts d’autres fabricants de pièces en molleton. Particulièrement les fabricants Nord-Américains tel que Camber, mais aussi CYC - la société mère derrière Reigning Champ et Wings + Horns - ou encore Roopa Knitting Mills.
Pour terminer, un modèle antérieur à l’invention du “Reverse Weave”.
Il s’agit du modèle Rabart dont le brevet a été déposé en avril 1938. Il est composé de plusieurs parties. Le devant et le derrière sont identiques.
On remarque bien sur le brevet, via la symbolique des traits verticaux représentant les colonnes de mailles, qu’il n’y a pas de “Reverse Weave”.